Articles et réponses
Par Georges-Henri Arenstein, M.Ps.
Psychologue

Articles

Réponses


Le mentorat comme outil de prévention de la violence en milieu scolaire
11-14 mai 2003 (Québec)
Congrès international pour la prévention de la violence en milieu scolaire.

Georges-Henri Arenstein, M.Ps., psychologue et expert en évaluations psychologiques scolaires et psycholégales

Nathalie Lafranchise, M. A., psychosociologue et spécialiste de la relation mentorale en milieu scolaire


Contenu

Renseignements sur les auteurs

1. La violence à l’école et les sanctions

2. Rappel : la théorie de la frustration-agression

3. Des besoins psychologiques aux enjeux psychosociaux

4. Le mentorat, une relation significative

5. Le mentorat, un canal de transmission d’habiletés et de compétences

6. Conclusion et résumé


Renseignements sur les auteurs

Nathalie Lafranchise a fait son mémoire de maîtrise sur le mentorat en milieu scolaire. Son expérience de travail se situe principalement en collaboration avec des écoles secondaires et au sein d’organismes communautaires qui s’adressent à une clientèle adolescente. Elle collabore également aux activités de mentorat de différentes organisations en tant de formatrice ou chargée de
projet : Prométhée-Sherbrooke, DRHC-Montréal, (programme de mentorat interministériel),Fondation de l’entrepreneurship du Québec, Academos, Mentora-Québec. Ses champs d’intérêts sont : la relation mentorale, l’influence des relations interpersonnelles et significatives sur le développement global et sur le rendement scolaire des enfants et des adolescents, la communication nourrissante, la relation enseignant-élève et la relation parent-enfant.

Georges-Henri Arenstein travaille en pratique privée (psychothérapie et expertises psycholégales) à St-Jean-sur-Richelieu et à Montréal; il enseigne aussi à titre de chargé de cours à l’Université du Québec à Montréal. Il anime des ateliers de développement personnel portant sur des thèmes variés comme la gestion des émotions, la guérison des blessures d’enfance, la qualité de la communication avec soi et avec l’autre, l’agressivité, etc.
Outre les évaluations psychologiques qu’il effectue pour le milieu scolaire et le milieu juridique, ses champs professionnels l’amènent à travailler également en techniques respiratoires et en zoothérapie.

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1. La violence à l’école et les sanctions

La violence, quelles qu’en soient ses formes, a très mauvaise presse dans notre société. La désapprobation sociale et la répression semblent apporter peu de résultats satisfaisants à ce phénomène grandissant et inquiétant dans nos écoles.

Qui dit violence dit bien souvent abus, agression, victime, délit, etc. Sous toutes ses formes et dans tous les milieux, et à l’école encore plus, la violence a très mauvaise réputation. Qui dit école dit surtout apprendre, éduquer, se former, et le seul fait qu’on puisse associer violence et école surprend et même scandalise. S’il y a un lieu que l’on voudrait à l’abri de la violence, c’est bien l’école; en plus, le fait que nos enfants, lorsqu’ils sont à l’école, puissent baigner dans la violence ou tout au moins la côtoyer, nous rend très mal à l’aise.

Le premier réflexe, et il est humain et compréhensible, consiste à réprimer cette violence. Un comportement violent doit nécessairement être puni, dit-on. En outre, toute récidive doit nécessairement être punie avec une force accrue, dit-on encore. Et toute nouvelle récidive doit être punie d’exclusion, de renvoi, ou de détention. Nous assistons là à une escalade désastreuse.

Nous sommes portés à oublier que cette répression, pour bien intentionnée qu’elle soit, constitue elle aussi un acte de violence. L’école semble donc appeler « crime » la violence des jeunes et « loi » la violence qu’elle-même préconise et exerce. Quand on sait que l’apprentissage des comportements adultes se fait beaucoup par imitation, on ne peut que douter du bien-fondé de la répression violente comme stratégie pour tenter de contrer la violence.

La répression présente quand même sa raison d’être : un comportement déviant doit être suivi d’une conséquence. On reconnaît qu’il serait impensable de laisser les comportements déviants se produire, se répéter, et ce jusqu’à produire des conséquences néfastes. En effet, nous assisterions là à une démonstration outrancière et destructrice de la « loi du plus fort ». On ne saurait donc se priver complètement d’une ou de plusieurs formes de répression à condition que celle-ci soit efficace à court terme, certains experts offrant la possibilité aux jeunes délinquants de vivre des conséquences non-violentes à leurs actions, comme les actes de réparation, les excuses écrites, les travaux communautaires, etc.

Cependant, d’autres experts tentent de mettre l’accent sur la prévention. C'est là le propos de cette présentation.

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2. Rappel : la théorie de la frustration-agression

Si on en croit la théorie de la frustration-agression, les comportements violents seraient dus à une accumulation de frustrations passées. Nous avançons donc l’hypothèse suivante : le comportement violent sert de substitut à l’expression verbale appropriées des frustrations. Il demeure que les comportements violents que le jeune manifeste sont égosyntones, donc en conformité avec son moi.

La théorie de la frustration-agression a été présentée aux États-Unis par les chercheurs Dollard (1939) & Miller (1941).

Un groupe de chercheurs en sont arrivés à la conclusion qu’un comportement agressif a pour cause une certaine forme de frustration. Cette idée n’est pas nouvelle : Freud l’avait déjà suggérée.

Les postulats de Dollard, Miller, Doob, Mowrer, Sears (1939) se résument comme suit :

  • la présence d’un comportement agressif présuppose l’existence d’une frustration;
  • l’existence d’une frustration entraîne un comportement agressif.

Deux ans plus tard, en 1941, dans un symposium portant sur l’agressivité, Miller a reconnu que ses propres postulats manquaient de clarté et n’étaient pas toujours applicables. Miller et ses collaborateurs ont corrigé leur tir en déclarant qu’une frustration produit un élan vers un certain éventail de réponses différentes, l’une d’entre elles étant l’agressivité. Cette modification pour importante qu’elle soit, entraîne quelques nouvelles questions, par exemple : dans quelles circonstances la frustration entraîne-t-elle de l’agressivité et dans quelles circonstances ne la produit-elle pas ?

Des chercheurs comme Doob & Sears (1939), Pastore (1952), Cohen (1955), Berkowitz (1962), et Rothaus & Worchel (1960) se sont employés à répondre à cette question et ont énuméré des critères endogènes et exogènes qui favorisent, sinon déterminent, l’émergence de l’agressivité générée par la frustration.

Malgré les critiques que l’on peut adresser aujourd’hui à ces recherches anciennes, on peut néanmoins conclure que les réactions émotives d’un sujet se convertissent très vite en habitude; en effet, les manifestations de la colère, qu’elles soient exprimées ouvertement, déplacées, rationalisées ou refoulées, suivent une tendance qui, pour des raisons de cohérence interne, aura tendance à se reproduire. Ajoutons encore qu’il est réaliste de s’entendre sur le fait qu’un comportement agressif peut être associé le plus souvent à une affirmation du moi grâce à une sélection de réponses associées à une sorte d’intention de démonstration de force; ce comportement agressif apaisera momentanément la colère qui l’engendre (Arenstein, 1971).

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3. Des besoins psychologiques aux enjeux psychosociaux

De plus, on sait que, d’un point de vue psychologique, l’être humain doit pouvoir combler trois besoins : pouvoir, réussite et appartenance. Aussi, les processus d’identification du jeune et l’instauration de ces besoins (par exemple par l’imitation des pairs) s’accompagnent de nombreuses contraintes et interdits (les exigences parentales et autres). Un jeune qui ne parvient pas à exprimer ses besoins via les créneaux habituels socialement acceptables réagira en se rabattant sur un comportement violent.

Les besoins psychologiques

Il est essentiel de comprendre que les jeunes font face à des défis psychosociaux différents de ceux des adultes. Par conséquent, ils ont des besoins différents et ils voient et comprennent le monde autrement que les adultes. Comprendre les besoins psychologiques est essentiel non seulement pour faciliter les prises de conscience en terme de vie de groupe, mais aussi pour préparer les jeunes à vivre les situations problématiques ou moins satisfaisantes qu’inévitablement, ils rencontreront dans leur existence.

Le psychogue américain William Schutz a établi l’existence de trois besoins interpersonnels fondamentaux sous-jacents à notre comportement avec les autres; idéalement ces besoins devraient être présentés sur un continuum sur lequel les personnes s’alignent. Il s’agit du besoin d’inclusion, du besoin de contrôle et du besoin d’affection (Shutz, The Interpersonal Underworld, 1966). Ultérieurement, le psychologue américain David C. McClelland (1917-1998) présenta trois besoins psychologiques légèrement différents qui se présentent déjà chez les adolescents, à savoir le besoin de pouvoir, de réussite et d’appartenance. Ce sont ces trois derniers que nous avons retenu.

Le besoin de pouvoir

Il renvoie à la recherche du contrôle, au désir d'être en charge, de mener et d'influencer l'environnement (besoin élevé de contrôle).

Les jeunes qui ont un besoin faible de contrôle prennent peu d'initiatives, assument peu de responsabilités et préfèrent éviter de prendre des décisions et de diriger un groupe.

Le besoin de réussite

Il se trouve associé à la recherche de réalisations concrètes. Les jeunes ayant ce besoin veulent être reconnus comme brillants. Ils ont besoin d'attention et de reconnaissance et aiment être en lumière. A une extrémité (besoin de réussite élevé), on retrouve les primas donnas, les grandes vedettes, ou encore les adolescents haïssables qui font tout pour se faire remarquer, même s'ils reçoivent des punitions. Etre puni est jugé préférable à être ignoré. A l'autre extrémité (besoin de réussite faible), on retrouve l’adolescent effacé, tranquille, qui n'aime pas être remarqué. Aux extrêmes se retrouvent le plus souvent les jeunes motivés par la peur de ne pas être reconnus des autres.

Les jeunes présentant un fort besoin de réussite combattent cette peur en « forçant » l'attention des autres à leur égard. Ceux qui ont un petit besoin de réussite sont convaincus d’avance qu'ils n'obtiendront pas d'attention; ils s'arrangent donc pour rester dans l'ombre. Le besoin de réussite influence grandement le processus de communication interpersonnelle.

Imaginons la situation où plusieurs adolescents ayant un grand besoin de réussite forment une équipe de recherche. Dans ce contexte, il est fort possible que chaque membre de l'équipe consacre beaucoup d'énergie à réussir mieux que les autres. Toutefois, tous ayant le même besoin, il leur sera difficile d'y arriver. Il leur faudra donc beaucoup de temps pour se synchroniser et être efficaces, ou ils n’y arriveront pas à cause de la compétition qui va saboter la qualité de leur travail en commun.

Le besoin d'appartenance

Il renvoie à la distance sociale que les jeunes désirent maintenir entre eux. Certains aiment être intimes et chaleureux dans toutes leurs relations. Ils aiment parler d'eux-mêmes, cherchent à être aimés en appartenant à un club, une organisation, une activité parascolaire. Parfois, ces adolescents peuvent devenir envahissants avec leur demande d’affection. Un besoin faible d'appartenance se traduit par un comportement indépendant et libre de toute attache. Ils ne refuseront pas nécessairement le rapprochement ni l'intimité, mais ils le feront après une période d'apprivoisement et uniquement auprès de camarades soigneusement sélectionnés.

Les carences

Les besoins énoncés plus haut, lorsqu’ils ne sont pas comblés ou s’ils sont mal comblés, peuvent provoquer de la frustration chez un jeune. La présence d’un mentor et d’une relation favorable à celui-ci, par des échanges verbaux réguliers avec lui, peut apporter chez un jeune la satisfaction d’avoir pu effectuer une mise en mots, peut générer un sentiment de confiance, une reconnaissance bienveillante du manque. Ces éléments viendront combler l’impuissance à dire ce qui est; voilà pourquoi ils contribueront à prévenir les comportements violents.

De la gestion des besoins au sentiment d’identité

Les adolescents apprennent à gérer leurs besoins en fonctions de leur personnalité en construction, en fonction des demandes qui leur sont faites, des pressions diverses qu’ils subissent. Tout ceci contribue à créer graduellement un sentiment d’identité. Ce sentiment peut facilement être fragilisé par les multiples expériences vécues durant cette période.

Nous définissons l’identité comme étant le sentiment qui pousse une personne à définir et à affirmer son appartenance à un lien privilégié, qu’il soit familial, social, professionnel ou autre.

Notre objectif consiste à favoriser le développement de ce sentiment d’identité en permettant au jeune de bénéficier, grâce à son mentor, d’une présence dans la continuité, une expression que nous favorisons désormais.

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4. Le mentorat, une relation significative

Pour donner au jeune une occasion de combler ses besoins et de canaliser sa violence, nous préconisons de lui offrir le mentorat d’un adulte afin de créer un nouveau lien d’attachement significatif. En effet, ce nouvel espace relationnel, chaleureux et sécurisant, peut lui offrir les ingrédients nécessaires et suffisants pour une mise en mots de l’indicible.

L’origine du mot Mentorat

Le mot mentorat vient du nom Mentor, personnage de la mythologie grecque, ami d’Ulysse et roi d’Ithaque. Dans l’Odyssée d’Homère, Ulysse dut partir pour la guerre de Troie et confia l’éducation de son fils Télémaque à son ami Mentor à qui il demanda de tenir les rôles de précepteur, de guide, de professeur, auprès de son fils afin d’assurer son développement physique, social, intellectuel et spirituel (Carr, 1999; Houde, 1995). Le nom mentor, sans sa majuscule, est devenu un nom commun de la langue qui désigne une personne ayant un rôle particulier auprès de quelqu’un : celui de guide, de conseiller, de maître.

Qu’est-ce que le mentorat?

Le mentorat est une relation significative, affective, réciproque et réelle entre un individu plus expérimenté (le mentor) et un autre moins expérimenté (le mentoré), qui se lient pendant une certaine période de temps afin de permettre au mentoré d’acquérir de nouvelles connaissances, de nouvelles habiletés et de nouvelles compétences (Houde, 1995; Lafranchise, 2000). Cette relation est dite réelle parce qu’elle nécessite l’établissement d’un lien réel entre deux personnes réelles. Elle est privilégiée parce qu’il s’agit d’une relation un à un. Elle est aussi significative parce qu’elle ajoute un sens à la vie de chacune des personnes liées. Elle est affective parce que la relation implique un sentiment d’attachement mutuel. Et enfin, elle est réciproque parce que le mentor partage son savoir, son savoir-faire et son savoir-être avec son mentoré (Lafranchise, 2000). Ce dernier, en retour, partage ses idées, ses impressions, ses émotions, ses points de vue, etc., avec son mentor.

Quoiqu’elle réponde aux besoins des deux parties et qu’elle exige un investissement affectif tant chez le mentoré que chez le mentor (Houde, 1995; Lafranchise, 2000), la relation mentorale est d’abord et avant tout centrée sur les besoins et le développement du mentoré (Lafranchise, 2003). Toutefois, le mentorat permet une expérience très profitable pour les deux; il constitue un lieu privilégié pour créer des liens indispensables qui assurent le transfert des connaissances et des compétences entre les générations (Lafranchise, 2003).

Le mentor : ses fonctions

C’est en occupant les fonctions de figure d’identification, de partenaire transitionnel et de personne nourrissante que le mentor peut exercer une influence positive sur un jeune.

Une figure d’identification

Le mentor joue un rôle important dans la consolidation de l’identité (Houde, 1995; Lafranchise, 2000). Le mentor se situe à mi-chemin entre un parent et un pair : il ne possède pas l’autorité d’un parent et il n’est pas l’égal d’un pair. Le mentor possède une expérience de vie et des compétences qu’il rend accessibles et transmissibles à un jeune. Il agit comme un modèle et contribue à l’apprentissage social du jeune (Lafranchise, 2003).

Un partenaire transitionnel

Le mentor, dans sa fonction, accompagne un jeune à travers une difficulté; cet accompagnement, idéalement, apportera un changement, par exemple un changement dans le comportement du jeune. Le mentor peut l’aider à faire des choix, à prendre des décisions et des engagements face au changement voulu et attendu (Lafranchise, 2000). Pour un adolescent, le mentorat est particulièrement approprié puisque la période de l’adolescence se caractérise par le passage de l’enfance à la vie adulte et par la recherche d’une identité distincte (Erikson, 1972; Lafranchise, 2000). Le mentor contribue ainsi au processus d’individuation et d’actualisation de soi de son mentoré (Lafranchise, 2000; 2003).

Une personne nourrissante

Le mentor peut devenir une personne nourrissante pour un jeune s’il agit comme un catalyseur sur le développement global de son protégé. Et pour ce faire, il se doit de combler chez lui des besoins psychologiques comme ceux nommés plus haut. Le mentor peut aussi devenir une personne nourrissante s’il agit à titre d’accompagnateur, de conseiller, de guide, d’éducateur, d’entraîneur et de modèle auprès de son mentoré.

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5. Le mentorat, un canal de transmission d’habiletés et de compétences

Notre croyance est que, dans le cadre de cette relation significative qu’est la relation mentorale, on peut favoriser chez le jeune : (1) la reconnaissance de ses besoins qui cherchent à s’exprimer maladroitement, (2) l’apprentissage d’une meilleure gestion de ses frustrations et (3) le développement de son habileté à se réaliser par des comportements créateurs plutôt que destructeurs (par exemple, en utilisant l’agressivité de façon proactive plutôt que de façon réactive).

(1) Reconnaître les besoins d’un jeune

Tous les besoins et tous les sentiments sont valables en soi; seuls les comportements ne le sont pas toujours. Un jeune qui ne se sent pas vu, entendu et reconnu dans ses besoins et qui ne se perçoit pas capable d’y répondre d’une manière socialement acceptable ou valorisée, pourra choisir la violence comme seule alternative pour trouver satisfaction à ses besoins. Un mentor compétent saura accueillir tous les sentiments et tous les besoins du jeune, sans les juger. Dans le cas de la relation mentorale, un adulte peut favoriser chez son mentoré la satisfaction des trois besoins évoqués plus haut (pouvoir, réussite, appartenance).

Favoriser la réponse au besoin de pouvoir

Par sa nature, le mentorat n’est pas une relation d’autorité ni de pouvoir; elle existe sans conséquence punitive et vise l’établissement d’une confiance mutuelle entre le mentor et le jeune. Le mentoré jouit d’autant de pouvoir dans la relation que son mentor. Le mentor ne prend pas en charge son mentoré; son objectif est plutôt de favoriser l’autonomie du jeune en le révélant à lui-même. De cette manière, le mentor aide le jeune à s’approprier du pouvoir sur sa vie en général.

Favoriser la réponse au besoin de réussite

Pour réussir dans la vie comme à l’école, il faut, entre autres choses, être disposé à prendre des risques dans des situations concrètes. Pour cela, il faut avoir confiance en soi et être capable d’initiative. La confiance en soi et le sens de l’initiative se développent plus facilement dans un climat de confiance mutuelle. Pour se sentir en confiance, un jeune a besoin de se sentir respecté et accepté (c’est-à-dire non jugé).

La relation mentorale offre à un jeune ce cadre sécurisant et respectueux qui permet et accepte l’erreur, le tout dénué de jugement et de punition. Il est donc plus facile, pour un mentoré, de s’exprimer et de s’expérimenter à travers cette relation mais aussi en dehors d’elle. Le soutien du mentor permet de traverser plus facilement les difficultés rencontrées. D’ailleurs, le secret de la continuité, de la persévérance (grâce à un niveau élevé de motivation) chez 88% des personnes qui demeurent assidus au travail comme à l’école, c’est de bénéficier du soutien d’une ou de plusieurs personnes (Limoges, 2002; Cordeau, 1999). Notons que plusieurs programmes de mentorat en milieu scolaire au Québec (par exemple Prométhée-Haut-Richelieu, 2001-2002) et au États-Unis visent spécifiquement la réussite scolaire.

Favoriser la réponse au besoin d’appartenance

La relation mentorale en est une à la fois chaleureuse et significative. Étant centrée sur les besoins de son mentoré, le mentor laisse toute la place au jeune pour s’exprimer, pour s’extérioriser. Demeurant soucieux de l’autonomie de son mentoré, le mentor invite aussi le jeune à se joindre à ses pairs et à trouver satisfaction à ses besoins auprès d’autres personnes. Parce qu’il sert de modèle et aide son mentoré à développer ses habiletés sociales, le mentor renforce la socialisation du jeune et donc sa capacité à interagir avec les autres.

(2) Aider le jeune à composer avec ses frustrations

Des frustrations seront générées chez le jeune lorsque les besoins de ce dernier ne sont pas comblés. De plus, lorsqu’un jeune tente de satisfaire ses besoins et lorsque ses tentatives sont sanctionnées, cela peut contribuer à renforcer et à amplifier sa frustration. Ses réactions défensives face à l’autorité ne s’en trouveront que plus violentes. En se centrant sur le jeune et sur ses besoins, le mentor lui offre l’occasion de se révéler à lui-même. Ainsi, le jeune pourra acquérir une perception de lui-même différente de celle qu’il aurait perçue à travers les yeux de ceux qui sanctionnent son comportement violent. Le mentor voit le jeune autrement : il le voit réellement.

En effet, les jeunes qui manifestent des comportements violents sont souvent étiquetés par les adultes et les autres jeunes de l’école. Cette étiquette ne peut qu’enfermer le jeune dans un rôle duquel il lui sera très difficile de sortir. La relation mentorale ouvre sur de nouvelles possibilités. C’est en invitant le jeune à parler de lui-même, en lui démontrant une appréciation positive globale, en relevant ses forces, que le jeune peut enfin se percevoir lui aussi sur un autre plan. Le regard du mentor sur son protégé, dû au fait qu’il permet au jeune de se reconnaître autrement, lui permettra de s’ouvrir à un changement.

De plus, le mentor, par son écoute active, fait en sorte que le jeune ne se sente plus seul dans ce qu’il vit. Il se sent vu, entendu, appuyé, reconnu et confirmé dans ce qu’il est et dans ce qu’il vit ce qui peut favoriser une diminution des tentatives de se faire entendre par un comportement violent (Lafranchise, 2003).

(3) Favoriser le développement des habiletés sociales et académiques du jeune

La confiance réciproque établie contribue à diminuer les réactions défensives chez le jeune et ainsi permet une plus grande réceptivité chez lui. En instaurant une communication nourrissante mais surtout en agissant comme modèle significatif, le mentor peut transmettre de nouvelles habiletés et de nouvelles compétences sociales à un jeune. Du même coup, il favorise son épanouissement global.

Pour transmettre ses nouvelles habiletés, le mentor endosse plusieurs rôles :

Il sera un conseiller et un guide

  • Il offre des stratégies de résolution de problèmes sans tenter de résoudre les problèmes à la place du jeune.
  • Il discute des possibilités qui s’offrent au jeune afin de lui permettre de faire des choix éclairés.
  • Il lui présente des défis.
  • Il l’aide à se donner des objectifs clairs et réalistes à court, moyen et long terme.
  • Il l’aide à développer et à poursuivre ses objectifs scolaires et aussi personnels.
  • Il informe le jeune des ressources existantes.

Il sera un éducateur et un entraîneur

  • Il transmet au jeune des habiletés et des compétences interpersonnelles nécessaires à la réussite.
  • Il lui offre du soutien.
  • Il favorise chez le jeune des expériences de croissance personnelle.
  • Il révèle son mentoré à lui-même (il l’aide à se découvrir, à se définir).
  • Il lui donne un feedback direct, utile et constructif.

Il sera un modèle

  • Il s’offre comme étant un exemple, parmi plusieurs, à suivre.
  • Il communique ses points de vue au jeune.
  • Il met son expérience et ses compétences à la disposition de son protégé.

En endossant ces différents rôles, le mentor apporte (1) de l’aide, du soutien, (2) de la reconnaissance et de la valorisation au jeune, ce qui favorise davantage la réponse aux différents besoins du mentoré.

(1) Aide et soutien

  • Il offre une écoute attentive et un soutien empathique.
  • Il réfère son mentoré à des ressources disponibles et appropriées.
  • Il se concentre exclusivement sur les besoins du jeune.
  • Il évite de porter des jugements.
  • Il apporte confiance, compréhension et sécurité dans la relation.

(2) Reconnaissance et valorisation

  • Il reconnaît la valeur de son mentoré et il la lui reflète par son attitude et par ses mots.
  • Il n’étiquette pas le jeune et ne l’enferme pas dans un rôle spécifique.
  • Il l’accepte tel qu’il est; il est tolérant devant les différences et les divergences.
  • Il est respectueux à son égard.
  • Il souligne et renforce les qualités, les habiletés et les forces du jeune.
  • Il fait ressortir chaque succès et transforme les erreurs en situations d’apprentissage.
  • Il montre sa confiance dans le potentiel de son mentoré.
  • Il respecte le rythme de son mentoré
  • Il favorise et valorise l’expression de soi et encourage l’actualisation de soi
  • Il accepte et encourage l’expression des sentiments et des émotions du jeune
  • Il renforce l’estime de soi de son mentoré en valorisant l’action
  • Il accepte de voir les choses selon la perspective du mentoré.

Ce qu’un mentor n’est pas

  • Un conseiller d’orientation
  • Un employeur potentiel
  • Un psychologue ou un psychothérapeute.

En résumé, le mentorat en milieu scolaire comporte plusieurs avantages

  • Il favorise le développement global d’un élève
  • Il peut prévenir la violence
  • Il permet à un élève de se lier significativement à un adulte qui lui offre des modèles d’attitudes et de comportements recommandables
  • Il assure une continuité des rapports entre les jeunes et les adultes
  • Il favorise le transfert d’habiletés et de compétences sociales et académiques
  • Il permet l’instauration d’une communication nourrissante
  • Il favorise l’édification d’une estime de soi positive, raffermit la confiance en soi et favorise la construction d’une identité positive, chez le jeune
  • Il offre au jeune une oreille attentive, un soutien scolaire et psychosocial personnalisé
  • Il offre un lieu où règnent la confiance et la sécurité
  • Il redonne aux environnements éducatifs leur sens et leur richesse.

Les tâches du mentor

  • Maintenir une confiance et un respect constants
  • Voir le jeune dans sa globalité et sa complexité (ne pas l’enfermer dans un rôle)
  • Installer un climat de sécurité
  • Demeurer ouvert d’esprit
  • Offrir un accueil chaleureux
  • Procurer de l’écoute active et des reflets de sentiment
  • Se centrer sur le vécu et les besoins du protégé
  • Offrir un soutien constant
  • Aider à relever des défis
  • Viser l’autonomie
  • Procurer de l’encouragement.

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6. Conclusion et résumé

Les auteurs s’entendent pour affirmer que l’instauration d’un programme de mentorat dans une école, à condition qu’il respecte certains critères de base, permet une diminution significative de comportements violents chez les jeunes.

Ce programme consiste à effectuer un pairage entre un adulte, désigné comme étant le mentor, et un jeune, désigné comme étant le mentoré. De par les échanges réguliers qu’ils auront en cours d’année, la relation significative qui s’en dégagera permettra au jeune d’exprimer en toute liberté son vécu, caractérisé autant par ses peines et ses joies. Dû à l’effet bénéfique de ces entretiens et dû à l’importance de la présence du mentor dans la vie du jeune, le mentorat pourrait s’avérer un outil de choix dans la prévention de la violence à l’école.

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